Que pensez-vous de ma première fiction ?

“Un grincement... Et encore un autre... Ce n'était pas des grincements qui allaient me faire peur, si ?...
J'en entendis un à nouveau, et immédiatement je m'agrippai à ma couverture, épris d'une crainte insurmontable.
Si, c'était bel et bien des grincements qui allaient me faire peur.
J'étais paralysé par la terreur, au point de ne plus avoir le courage de tendre ma main vers l'interrupteur. Je ne cessais pas de me répéter que tout allait bien, que c'était sûrement un de ces gamins.
Mais sauf que voilà : la suite, je la connaissais.
Je l'entendais continuer son avancée, avec ses petits pas qui trottinaient sur le parquet grinçant du couloir... Je coupai ma respiration quand elle s'arrêta juste devant ma chambre. La poignée se baissa toute seule, comme dominée par une certaine force invisible. Un temps de silence passa ; un temps de silence durant lequel je parvenais à entendre sa respiration sifflante. Elle poussa alors la porte en un long grincement désagréable, jusqu'à ce que celle-ci soit entrebâillée de quelques centimètres.
J'entendis à nouveau ses petits pas. Son avancée reprit...
Elle s'arrêta au pied du lit, fit à nouveau une pause, pour ensuite se mettre à toquer contre le pied en bois. Je savais qu'elle était bien trop petite pour pouvoir monter, mais ça ne me rassurait pas plus que ça...
N'obtenant pas de réaction de ma part, elle se mit à tirer sur ma couverture à petits coups acharnés, mais sans résultats. Elle était trop faible.
Au bout de deux longues minutes elle se calma enfin. Dans l'obscurité, je l'entendis déposer les fleurs au pied du lit. Je savais que c'était un bouquet de pâquerettes, c'était toujours la même chose.
Et, aussi tranquillement qu'elle était arrivée, elle repartit dans le couloir.
Après avoir fait de grands efforts pour me calmer, je pus atteindre l'interrupteur d'une main tremblante, et l'allumer. Je plaçai rapidement mon bras devant les yeux pour les protéger de la lumière vive, et restai ainsi quelques secondes, le temps de m'habituer à la luminosité. Puis je me levai, et lançai un regard vers le couloir sombre. Il fallait que je la suive.
Étrangement, je savais d'où elle venait ; je savais d'où elle rapportait ces fleurs. Mais il fallait que je sache où elle allait. Et surtout, il ne fallait pas que les gamins la voit.
Mais alors que je la suivais aveuglement dans le couloir sombre, la lumière illumina les lieux d'un seul coup. Je m'immobilisai quand la poupée se retourna soudainement. En croisant son regard aux yeux écarquillés, je tressaillis. Elle avait des cheveux courts en plastique noir coiffés en pétard, une vieille étoffe rouge vif comme robe qui lui descendait jusqu'aux pieds, et un sourire fixe terrifiant.
Elle pencha la tête de côté. Ce n'était pas moi qu'elle regardait. C'était ce qu'il y avait derrière moi. Ce qui avait allumé la lumière sans prévenir. Je savais que c'était un enfant, bien que je ne m'étais jamais retourné. Tout simplement car je connaissais la suite.
- Hé, remets ça sur la tombe de mon petit frère ! hurla-il.
A l'entendre, je devinais facilement qu'il ne pouvait pas me voir ; que son regard me transperçait comme si j'étais invisible.
Et quand je m'apprêtais à me retourner pour voir qui c'était, j'eus tout juste le temps de voir la poupée se débarrasser de la dernière pétale de pâquerette coincée dans ses cheveux...”

- Hoho, ricana Siuran penché au-dessus de moi. On dirait que notre chanteur est somnambule !
Sans lui accorder un regard, je secouai la tête, essayant d'oublier ce mauvais rêve.
C'était toujours la même chose.
Il y avait un symbole, une sorte de message derrière tout ça, j'en étais sûr. Mais j'étais bien loin de savoir de quoi il s'agissait...
J'écarquillai les yeux et réprimai un sursaut quand je remarquai que les deux yeux rouges sur le mur d'en face étaient en train de me dévisager. Je baissai immédiatement le regard, pour montrer ma soumission.
Trefihozerg savait que sa fille était ici, dans la gare. C'était cette gravure sur la table qui l'avait appelé. Le nombre de rencontres qui n'auraient jamais dû avoir lieu étaient incomptables, mais il était trop tard pour regretter. C'était soit eux, soit la fille, mais quelque soit la décision du destin, je savais que je n'en avais plus pour longtemps.
Je soupirai. Siuran était toujours là, assis à mes côtés, attendant une réaction de ma part. Il n'avait pas remarqué le regard de mon Maître sur le mur. Ce dernier savait être discret, et c'était ce que je craignais le plus chez lui.
Jamais je n'aurais dû laisser les Cledlims entrer. A cause d'eux, les secrets que j'avais eu tant de mal à cacher étaient dévoilés, et mon Maître savait à présent ce que je manigançais.
Il était trop tard à présent. Je n'avais plus qu'une chose à faire : choisir mon camp. Ce n'était pas bien compliqué, rien qu'en croisant la mine amusée et innocente de Siuran, je savais vers qui j'allais me tournée.
Le gamin commença à s'impatienter. Il lâcha :
- Bon, mon vieux, moi je vais manger hein. T'as franchement pas l'air réveiller. Faut croire que les matins, ça ne te réussit pas !
Il se leva et partit joyeusement rejoindre ses amis dans la pièce du fond. Je relevai les yeux pour croiser le regard rouge de mon Maître, qui était toujours là. Je secouai la tête, et murmurai :
- Trefihozerg, pitié. Ce ne sont que des ados, ils ne méritent pas ce qui leur attend...